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Management : de la pertinence de l'impertinence (et des impertinents)

Posté le 07/11/2019

Au-delà de l’apparent paradoxe du titre (et de son impertinente récursivité …), cet article se veut un éloge du divergent, du discordant, du déplacé : un plaidoyer pour les chiens dans les jeux de quilles, les éléphants dans les magasins de porcelaine et autres mouches du coche. 

 

Combien d’entre nous n’ont pas été agacés, au détour d’un projet collaboratif, d’une séance de workshop bien rodée, ou bien encore d’une réunion d’équipe par les interventions (souvent récurrentes) du trublion de service ? Soit que ces remarques nous paraissent totalement décalées (« à côté de la plaque » dirait le bon sens commun), soit que nous les recevions comme une attaque frontale, une critique non constructive systématique (nous parlerions alors volontiers d’insolence). 

 

Ces interventions nous exaspèrent à la mesure de notre sentiment de perte de temps, nous les vivons comme des freins et avons tôt fait de considérer l’intervenant comme un « empêcheur de tourner en rond ». Ce d’autant plus que le temps nous semble toujours marqué par l’urgence et l’accélération. Perte de temps, gaspillage, manque d’efficience… 

 

Bien. 

 

Imaginons maintenant que nous puissions tout à loisir aller droit au but. N’aurions-nous pas, au final, le sentiment de tourner en rond dans notre bocal ?   

 

Avant de parler d’impertinence, il est intéressant de se demander quel est le versant positif du concept. En clair, qu’est-ce que la pertinence que nous souhaiterions voir valoriser lorsque les impertinences et les impertinents nous impatientent ? C’est assez simple. En français, est dit « pertinent » ce qui se rapporte à la question. 

 

Nous aurions donc un petit univers de travail parfait ou tout intervenant inscrirait son intervention dans le strict cadre de « ce qui se rapporte à la question. ». 

 

Outre le fait qu’il soit loisible de s’interroger sur la définition de ce cadre, (voir mes articles précédents sur cette question du cadre …)  Je vous laisse simplement subodorer l’inévitable ennui qui finirait par découler de ce process bien rodé de « tout ce qui se rapporte à la question et seulement ce qui se rapporte à la question »

 

En management ça donne par exemple une équipe parfaitement neutre, qui accepte (du moins en apparence) tout ce que propose le manager mais refuse de s’impliquer sur quoi que ce soit les concernant au motif que « le chef c’est toi. A toi de décider. »

 

S’agit-il alors de complaisance (« je manifeste un respect de façade devant une décision que je n’appliquerai pas parce que je ne la considère pas comme respectable ») ou s’agit-il plutôt de déférence (« je manifeste du respect devant une décision qui me convient et que je mettrai en application ») c’est au manager de faire le tri. Et parfois, bien malin qui peut le dire. 

 

Voyons maintenant ce qu’il en est de l’impertinence (et des impertinents) 

 

Il est amusant de noter qu’alors que pour le mot « pertinence » nous avons une définition claire et univoque, nous sommes au contraire ici face à une polysémie équivoque : 

`

-      Est impertinent ce qui ne se rapporte pas à la question traitée. C’est le hors-sujet. 

 

-      Est impertinent ce qui est jugé inconvenant ou irrespectueux. On est dans le registre de la norme. Ce qui « se fait » ou ce qui « ne se fait pas ». 

 

-      Enfin, est impertinent ce qui semble absurde ou déplacé. 

 

A priori, vous avez peut-être de la difficulté à percevoir l’intérêt de laisser s’exprimer le hors-sujet, l’absurde ou le déplacé ; et encore moins l’insolent dans le cadre du travail et à voir sa « pertinence » dans le rôle de manager. 

 

Pourtant, c’est bien souvent de l’apparent « hors-sujet » que naissent les idées divergentes qui, finalement, s’avéreront être la clef imprévue d’un système qui, sans elle, aurait continué à vivre en vase clos et à tourner gentiment en rond. Diverger c’est sortir du cercle. Aller plus loin pour constituer une nouvelle boucle de sens. Et pour cela, il est nécessaire de laisser germer le hors-sujet plutôt que de le rejeter d’emblée. 

 

Il en est de même pour ce qui vous semble spontanément absurde, ou déplacé. La question est alors celle de l’intention. Si la visée, l’objectif de l’intervenant est bien l’objectif partagé, que son intention est bien de servir ce dernier, qui se fait alors juge de l’apparente absurdité de la proposition ?  Peut-être vaut-il la peine d’aller voir au-delà de l’apparent décalage. Là encore, les idées qui semblent initialement absurdes ou décalées sont bien souvent les idées novatrices qui feront le monde de demain. 

 

Quant à l’insolent, il est bon de le différencier de l’impertinent. L’impertinent est précieux. Il est celui qui ose refuser d’accorder crédit à une hypothèse qui lui parait ne pas devoir être respectée, car elle n’est pas conforme à ses valeurs. L’impertinent est droit dans ses bottes. Il est du côté de la vertu. Il vous alerte sur ce qui, chez lui, fait problème. A vous, en tant que manager, de recevoir et de décider ensuite, en connaissance de cause, que faire de l’objection (et non … de l’objecteur.)

L’insolent, quant à lui, est celui qui refuse d’accorder crédit à une décision qu’il sait être la bonne. L’insolence n’est pas du côté de la vertu. L’insolence est contestataire. 

Est-ce, pour autant, dire qu’il ne faille pas l’entendre ? 

Bien au contraire. Il est important de savoir l’entendre et repérer ce qui conduit à adopter une attitude de contestation. Mal-être au travail, désillusions, déceptions … la liste serait longue. Dans un premier temps, le rôle du manager est, sans nul doute, de recevoir la plainte ainsi formulée. 

 

En conclusion, manager, c’est bien souvent aussi cultiver l’impertinence au service d’une intention. 

 

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