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Souffrance éthique : le syndrome de la petite fleur.

Posté le 20/11/2019

 

Un jour tu te retrouves à faire le grand écart entre tes valeurs propres et celles de ta boite. Ça ne te suffit plus qu’il y ait une petite fleur sur l’emballage des pots de yaourts que tu fabriques. Au départ, tu as choisi de bosser dans une coop, une boite française, tu trouvais ça sympa, la petite fleur, ça te rapprochait presque des tes valeurs écolo. Presque. Mais bon, fallait bien se raccrocher à quelque chose… Bon gré, mal gré, tu as tenu le cap. Et puis, il y avait l’équipe. Des gars bien, des gens du cru. Des gars qui croient dans leur boulot.  Un jour, avec la mondialisation, forcément …  Voilà que tu te retrouves absorbé par un géant américain… ils ont plein d’idées, les américains, y’en a même de sympa, seulement … 

 

Seulement, tu sens bien que ça ne va pas. Que ça tiraille. Que ça coince quelque part … Que ça fait mal. 

 

 Tu ne sais pas vraiment le nommer mais te voilà en plein conflit de valeurs. En souffrance éthique. 

 

Dans la longue - trop longue- litanie des souffrances au travail de notre société post-moderne, (burnout, bore out, brown out …) on oublie souvent de parler de la souffrance éthique. 

 

Et pourtant, elle est bien plus fréquente qu’on ne se l’imagine. Sûrement parce que nous sommes humains. 

 

La souffrance éthique survient lorsque le salarié se retrouve écartelé entre des valeurs qui lui sont essentielles et ce qui est exigé de lui, au travail et qui ne lui parait pas conforme à ses valeurs propres. 

 

Pour rappel, les valeurs, ce sont des attributs ou des croyances qui rendent un homme estimable. Estimable à ses yeux comme aux yeux des autres. Rien n’existe hors le lien à autrui. En ce sens, elles sont essentielles parce que constitutives de l’estime de soi. De soi en tant qu’être humain. Et c’est parce que je me sens respecté dans mes valeurs que je me sens reconnu, au sens hégélien de la reconnaissance. 

 

(Dans un prochain épisode, je viendrai vous parler un jour de la question, essentielle, de la reconnaissance au travail)

 

Pour revenir à nos moutons, chacun se souviendra du cas de ce salarié de Véolia licencié pour avoir refusé de couper l’eau à des clients défavorisés. C’était en 2013. Licencié pour insubordination, il aura permis de modifier la loi et d’instaurer un « droit à l’eau ». Ce cas d’objection de conscience n’est pas des plus fréquent. Pour ne pas dire qu’il reste exceptionnel. Nous n’avons pas tous une vocation de Robin des Bois. 

 

La plupart d’entre nous, en situation de conflit de valeur, tente plutôt de survivre tant bien que mal, générant jour après jour, telles des gouttes d’eau, au départ imperceptibles mais qui s’accumulent jusqu’à finir par déborder, frustrations, colères et dépits. C’est ainsi que petit à petit, s’installe la souffrance éthique qui peut, à la longue, conduire à des pathologies médicales avérées. 

 

C’est ce qui se produit, par exemple,  lorsque les valeurs de l’entreprise dans laquelle on travaille sont contraires aux siennes propres, soit parce qu’on est venu travailler là pour des raisons alimentaires ; soit qu’elles le soient devenues au fil du temps. On pense ici au vécu des salariés du secteur hospitalier qui disent leur frustration à ne plus pouvoir exercer correctement leur métier de soignant, mais également aux enseignants... Professions bien souvent vocationnelles et où, de fait, le dépit est à la hauteur des espérances initiales. 

 

 C’est aussi ce qui se passe lorsque le salarié se trouve confronté à un écart fort entre les valeurs prescrites par l’entreprise (les valeurs affichées, l’étendard) et les valeurs réelles générées par l’organisation du travail ou les conditions concrètes d’exercice de son activité au quotidien. Le salarié se trouve alors confronté à un écart entre le prescrit et le réel.  De ce fait, s’instaure un malaise lié à un sentiment de déception, ou pire de duperie. 

 

 

Parler valeurs, parler éthique au travail, c’est donc loin d’être un gadget, une cerise sur le gâteau. La question des valeurs est au centre de l’estime de soi et du sentiment de reconnaissance. Pas de performance sociale sans ce détour par les questions éthiques. 

 

Reste à s’entendre sur le sens des mots. Sur ce qui se cache derrière les étiquettes « valeur », sur ce qui, pour le salarié traduit effectivement la mise en œuvre concrète des valeurs qui sont les siennes. 

 

Mais c’est un autre sujet, qui pourrait se résumer ainsi : qu’entends-tu lorsque je te parle de « confiance » ?