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Drôle de zèbre ...

Posté le 19/05/2019

L’hébétude face au monde … avez-vous connu ce drôle de sentiment ? Celui qui vous saisit dans ces réunions de travail, ces Codir ou ces Comex qui semblent vouloir durer indéfiniment sans que jamais ne soit abordé la seule question qui permettrait de commencer à avancer…

Vous rongez votre frein, LA question, vous l’avez ! 
Au fond, c’est même tellement simple que c’est à se demander pourquoi vous êtes le seul à vouloir emprunter ce chemin-ci …
« C’est pourtant pas compliqué ! … » A force, vous finissez par douter. Par penser que vous êtes infiniment stupide de ne pas prendre la route toute tracée et d’imaginer des chemins de traverse que les autres ne voient pas.
Drôle de zèbre. Selon l’expression de Jeanne Siaud-Facchin : « animal différent, équidé qui est le seul que l’homme ne peut apprivoiser, qui se distingue nettement des autres dans la savane tout en utilisant ses rayures pour se dissimuler »
Un profil psychologique particulier selon nombre d’auteurs et qui combine donc une grande intelligence et un certain nombre de critères comportementaux au nombre desquels …
(S’ensuit une liste à la Prévert) … empathie, hyperexcitabilité (hyperesthésie, avidité intellectuelle, tempêtes émotionnelles, énergie physique importante …), un mode de pensée qualitativement différent, une lucidité critique exacerbée, un très grand besoin d’autonomie, un rapport au cadre (autorité, hiérarchie) complexe…
Quel drôle de mic-mac, pas vrai ? …Comme un albatros que ces ailes de géant empêchent de marcher ?
Mais alors, que disent les neurosciences de ce profil ? Voici qu’elles détruisent le mythe de la pensée « en arborescence » avancée par d’aucuns. Les neurosciences aiment détruire les neuro-mythes. Tout au plus, leur constat est celui d’un traitement plus rapide et plus efficient (plus économe) d’un plus grand nombre de données.  
Alors, revenons à ce fameux sentiment d’hébétude face au monde. Repartons du ressenti, du vécu …
Parce que là, vous vous sentez toujours aussi hébété, pas vrai ? 
Et si … et si c’était l’intelligence des « autres », l’intelligence « normale » qui se trouvait inhibée, et non pas les zèbres qui soient dotés d’une intelligence particulière. C’est la vision d’un Carlos Tinoco dans son ouvrage « intelligents, trop intelligents ; les surdoués de l’autre côté du miroir »
Envisager la question sous l’angle de l’inhibition, d’une inhibition sociale que l’on nous impose, que l’on finit par s’imposer soi-même, et qui permet de nous lier dans une normativité nécessaire à la société pour maintenir sa cohésion (et aux Codir et au Comex pour poursuivre leur petit bonhomme de chemin …)
On pense à Foucault ici, à la forme abstraite du panoptisme qui permet non plus de voir sans être vu mais d’imposer une conduite quelconque à une multiplicité humaine quelconque. 
Il s’agit dès lors de se demander, non pas s’il existe deux structures cérébrales distinctes, mais plutôt de se demander pourquoi, dans certains cas, deux types de fonctionnement cognitifs sont à l’œuvre : l’un linéaire, l’autre plus volontiers divergent …
Pourquoi le surdoué ose sortir du cadre quand le « normo-pensant » reste dans le cadre ? 
S’il suffit de faire varier les hypothèses de départ pour trouver les bonnes réponses à un quelconque problème (puisque les neurosciences parlent d’efficience plutôt que de mode de fonctionnement cérébral différent), ce que ferait toute bonne machine rationnelle, pourquoi n’y parvenons-nous pas tous ?
C’est que l’homme n’est pas si rationnel. Parce que nous n’avons pas tous la liberté d’interroger les hypothèses de départ. Il est alors question ici de rapport au cadre, de rapport d’un individu avec son angoisse, d’un individu doté de facultés d’abstraction et qui a donc conscience du temps qui passe, de la mort à venir, de l’absurdité des choses … 
Pour la majorité dite « normale » le pilier, le cadre, c’est la loi, l’ensemble des normes qui leur permet de penser que la vie a un sens et que leurs efforts ne sont pas vains. D’autres, au contraire, n’ont nul besoin de s’adosser au pilier de la loi mais ont besoin a contrario de s’y confronter ; et pour ceux-ci, quand toute une institution fonde son discours sur un interdit de penser alors qu’ils constatent que c’est par ce chemin qu’il faudrait passer pour sortir de l’ornière, l’hébétude guette…
C’est pourtant un bien joli chemin que celui de la liberté, pour citer Henri Laborit dans son « éloge de la fuite » :
« La fuite … permet de découvrir des rivages inconnus qui surgiront à l’horizon des calmes retrouvés. Rivages inconnus qu’ignoreront toujours ceux qui ont la chance apparente de pouvoir suivre la route des cargos et des tankers, la route sans imprévu imposée par les compagnies de transport maritime ».

Envie de faire un bout de chemin de l’autre côté du miroir ?